Atouts de réalisation du projet de l’École Jeunesse Bonheur

JL Avec Benoit XVI« L’Église respecte et aime l’Afrique ». Telle est la belle et réconfortante affirmation qu’on trouve dans les premières pages de l’Exhortation apostolique post-synodale « Africae Munus » (n° 4). Ce qui est vrai de l’Église l’est également de Dieu. On peut donc affirmer, sans aucune intention discriminatoire, que « Dieu aime et respecte l’Afrique », « Dieu aime et respecte le Bénin ». L’expression la plus tangible et la plus fraîche de cette prédilection de Dieu n’est-elle pas la récente visite apostolique du Vicaire du Christ, le Pape Benoît XVI, dans ce continent, et plus précisément dans notre pays !

Un tel amour de Dieu sollicite notre réponse. Nous ne pouvons y rester indifférents. De fait l’Exhortation Apostolique « Africae Munus » signée par le Pape en terre béninoise, à Ouidah, commence par ces mots : « L’engagement de l’Afrique pour le Seigneur Jésus-Christ est un trésor précieux »1. C’est cet engagement qui voudrait justement se concrétiser à travers la création d’une Ecole catholique internationale de prière et d’évangélisation pour les jeunes. Ecole de vie, cette structure aura pour vocation d’accueillir les jeunes non seulement du Bénin et d’Afrique mais aussi d’autres continents, pour une année entière de formation à l’école de Jésus : « Vous apprenez certainement diverses choses à l’école : mathématiques, technique, économie…Mais ici on apprend la vie, on apprend comme vivre pour trouver la vie éternelle » (Jean-Paul II aux jeunes romains).

L’Afrique souffre de nombreux maux, le Bénin souffre de nombreuses plaies qui empêchent l’épanouissement de tous ses enfants. Consciente que « l’unique médecin de ces blessures, c’est Jésus »2, l’Eglise de Dieu qui est au Bénin, par la création de l’Ecole Jeunesse Bonheur, voudrait offrir aux jeunes qui prendront les rênes de la société, de s’enraciner profondément dans le Christ, de se laisser modeler le cœur par Lui : « Priver de Dieu le continent africain, ce serait le faire mourir peu à peu en lui enlevant son âme »3.
Dans l’Exhortation Apostolique « Africae Munus », le Pape Benoît XVI confie une grande mission au continent africain : « un précieux trésor est présent dans l’âme de l’Afrique où je perçois « le poumon spirituel pour une humanité qui semble en crise de foi et d’espérance »4. La création au Bénin d’une Ecole catholique internationale de prière et d’évangélisation pour les jeunes, repose tout entière sur cette conviction. Elle se veut aussi une modalité de réalisation de cette noble mission. Ainsi l’Afrique n’est pas faite que pour recevoir, elle a aussi beaucoup à donner.

L’atout fondamental que possède le Bénin pour la réalisation de ce projet est essentiellement humain. En effet, l’Afrique dispose d’une jeunesse nombreuse et généreuse qui constitue un potentiel inestimable. Or, on sait que les jeunes sont l’avenir de la société. C’est dire que ce continent a beaucoup à apporter au rendez-vous des peuples. Et puisque ces jeunes sont habités par une soif indéniable, nous estimons qu’ils sont en mesure de prendre une année entière pour vivre une expérience de formation spirituelle et humaine dont ils seront, en fin de compte, les premiers bénéficiaires.

Importance et opportunité de l’École Jeunesse Bonheur

Si une École Catholique Internationale de Prière et d’évangélisation pour les jeunes dans l’Archidiocèse de Cotonou répond à un appel intérieur à vivre la vie sacerdotale dans une alternance ‘désert/ mission’ au service des jeunes, il ne correspond pas moins à un besoin réel sur le terrain.

a) Les défis de la jeunesse et un besoin crucial de formation

Du point de vue de ses futurs bénéficiaires, ce projet se fonde sur un besoin de formation chrétienne approfondie chez les jeunes. Effet, à une époque de globalisation et de mondialisation où la société subit des mutations profondes à une vitesse vertigineuse, la formation catéchétique reçue dans l’enfance au moment de la réception des sacrements de l’initiation chrétienne ainsi que l’enseignement délivré dans les homélies des célébrations dominicales se révèlent de plus en plus insuffisants pour permettre aux jeunes de répondre à tous les défis que leur lance la société contemporaine et de résister, entre autres, à l’attrait du sécularisme galopant ainsi qu’à l’assaut des sectes et des sociétés ésotériques dont ils sont bien souvent la proie facile.
Ce déficit de formation est comblé heureusement dans certains diocèses comme le nôtre, par les groupes de prière, la formation permanente des laïcs, l’école de foi, l’école de prière et les différentes activités de la Coordination des Jeunes. Le présent projet voudrait s’inscrire dans le même sillage en proposant aux jeunes une formation spirituelle systématique d’une durée relativement longue qui leur permette de vivre une véritable expérience de transformation intérieure qui déterminera toute leur vie future d’adulte et réveillera en eux « la conscience de la dimension sociale de la foi » selon la belle expression de Jean-Paul II.
Par ailleurs, la dépravation des mœurs et les maux qui sévissent de plus en plus dans les rangs des jeunes aujourd’hui ne sont un secret pour personne. Or, un tel état de choses compromet dangereusement non seulement l’avenir des familles qu’ils sont appelés à fonder mais aussi celui du pays qui risque de voir se perpétuer les maux qui minent sa sphère politico-administrative voire ecclésiale et empêchent son décollage sur la piste du véritable progrès. C’est dire combien la bonne gouvernance dont on parle tant et qu’on voit si peu à l’œuvre, exige, outre la qualification professionnelle, une solide formation humaine et spirituelle des jeunes d’aujourd’hui qui seront amenés demain à prendre les rênes des affaires publiques.
Sur le plan strictement ecclésial, s’il est vrai que nos Églises africaines sont encore pleines – et nul ne sait jusques à quand – il n’en demeure pas moins que nous ne devons pas nous laisser tromper par le nombre des usagers de nos paroisses. En effet, le fossé entre la proportion des baptisés et celle des chrétiens qui pratiquent leur foi se fait de plus en plus béant. Aussi observe-t-on déjà dans le rang des jeunes la catégorie des « chrétiens non pratiquants », avec de plus en plus de jeunes qui ne vont plus à l’Église et perdent ainsi la pratique dominicale. Par la formation chrétienne à la prière et à l’évangélisation qu’elle se propose de donner aux jeunes, la future École voudrait contribuer à arrêter cette saignée de l’Église catholique et éviter à notre pays de connaître, de façon prématurée, la situation que connaît l’Église dans les pays de vieille chrétienté.
Enfin, la mission n’étant pas seulement l’affaire des prêtres, religieux, religieuses et catéchistes, l’École envisagée serait une manière de faire prendre conscience aux jeunes qu’elle est l’affaire de tout baptisé et qu’on peut même, vu son importance, y consacrer toute une année de sa vie, sans pour autant vouloir devenir prêtre, religieux ou religieuse. La future École permettra donc de faire participer directement les jeunes à la mission évangélisatrice de l’Église et comme telle, elle constituerait une façon formelle de leur faire vivre l’évangélisation des jeunes par les jeunes si souvent recommandée par le Bienheureux Jean-Paul II durant son pontificat. Ainsi sa dernière consigne aux jeunes de l’Ile Maurice lors de son voyage à Rose Hill le 15 octobre 1989 s’énonçait ainsi : « Bien formés dans la foi et dans la prière, puissiez-vous devenir vous-même les apôtres de la jeunesse ». Demain, les jeunes pourront vivre d’autant plus facilement l’engagement du chrétien laïc dans la société qu’ils auront été habitués aujourd’hui à témoigner de leur foi au Christ auprès de leurs frères et sœurs de la même génération. De ce point de vue, on ne peut pas ne pas voir la main providentielle de Dieu dans le fait que le démarrage de l’École Jeunesse Bonheur se fait moins d’une année après l’Année de la foi proclamée par le Pape Benoît XVI, comme si elle se voulait un fruit de cette année.
Mais au-delà des défis qu’il voudrait aider les jeunes à relever et des besoins réels auxquels il voudrait répondre, ce projet d’École de prière et d’évangélisation se voudrait l’affirmation et l’expression concrète d’une vérité anthropologique fondamentale de plus en plus marginalisée dans le monde contemporain : le primat du spirituel.

b) Les dangers d’une conception étriquée du développement

Un des grands défis de nos pays d’Afrique, outre la réconciliation et la paix dont le Pape Benoît XVI est venu nous rappeler l’urgence en ces jours, a pour nom le développement. Le modèle que nos dirigeants politiques et les acteurs de la vie sociale ont sous les yeux dans ce domaine, est le modèle occidental. Or, ce modèle de développement a montré et montre encore, de façon patente et quelquefois dramatique, ses limites. Il s’agit, en effet, d’un développement unilatéral – pointant uniquement l’économie et les performances scientifiques et techniques – qui n’est en fait qu’un matérialisme à peine larvé, où la consommation effrénée donne la préséance à l’avoir par rapport à l’être. La conséquence de cette conception étriquée du développement est palpable, pour qui a vécu dans ces pays : les gens ont tout sans être heureux. Ce sont les contrées du monde qui enregistrent, par exemple, le plus fort taux de suicides de jeunes, le plus grand nombre de cas de dépression, le plus grand pourcentage de solitude. D’où la pertinence des paroles du Pape Jean-Paul II :
Comme il est certain que la vraie paix exige plus que la pure et simple absence de guerre ou seulement le démantèlement des systèmes des armements, de même le développement, dans son sens vrai et intégral, ne peut jamais être réduit seulement à un plan économique ou à une série de projets technologiques, aussi bons qu’ils puissent être.

Voyant les conséquences désastreuses de ce modèle de développement prendre de plus en plus d’ampleur, le même Pape Jean-Paul II, à la suite de ses prédécesseurs – notamment Jean XXIII et Paul VI –, n’a eu de cesse, durant tout son pontificat, de rappeler le primat de la spiritualité. Ainsi au lendemain de son élection, il affirmait dans son premier message radiotélévisé : « Disciple de celui qui proposa aux siens l’idéal d’être “sel de la terre” et “lumière du monde” (Mt 5,13-16), Nous entendons nous employer au consolidement des bases spirituelles, sur lesquelles la société humaine doit s’appuyer ».
Le Pape émérite Benoît XVI a poursuivi dans la même lancée, donnant les mêmes signes d’alerte à notre monde en perte de vitesse, notamment dans sa dernière encyclique, Caritas in veritate.

c) Le primat de la vie spirituelle

Dans le corpus de l’enseignement que Jean-Paul II a adressé aux jeunes durant les vingt sept années de son pontificat – recueil publié en trois volumes (2400 pages) par la Librairie du Vatican à l’occasion de sa béatification –, foisonnent des affirmations fortes et vigoureuses sur la primauté à donner aux valeurs spirituelles.
Ainsi, le 17 décembre 1978, lors de l’inauguration de l’école professionnelle “Saint Paul” à Rome, Jean-Paul II invitait les jeunes qui allaient s’y former à « porter à la société de notre temps une contribution non seulement matérielle, mais aussi de construction spirituelle et intérieure, sans laquelle tout serait défectueux et fragile ». Le 29 mars 1984, il déclarait encore à un groupe de jeunes pèlerins de l’Italie du Sud reçus en audience au Vatican : « Mais, au-delà de tout, mieux, à l’origine de tout, nous sommes conscients qu’il faut établir une solide vie spirituelle ».
De nombreux autres textes mériteraient d’être cités :
L’homme doit habiter sur la terre, et pour y habiter, il a besoin non seulement d’un édifice construit sur un fondement matériel ; aujourd’hui, il a besoin d’un fondement spirituel » (25/02/1979);
Plus votre action, comme celle de l’Église, veut se centrer sur l’homme, plus elle doit trouver ouvertement son centre en Dieu (16/01/1981) ;
Mais, aussi importants que soient les problèmes économiques, l’homme ne vit pas seulement de pain, il a besoin d’une vie intellectuelle et spirituelle; c’est là que se trouve l’âme de ce monde nouveau auquel vous aspirez. (…) Vous savez, avec moi, quel est le prix des valeurs spirituelles. Les idéologies et les slogans ne peuvent vous satisfaire ni résoudre les problèmes de votre vie. Seules les valeurs spirituelles et morales peuvent le faire, et elles ont Dieu pour fondement (19/08/1985) ;
Voici mon témoignage : seulement en Dieu, les valeurs humaines trouvent un fondement solide (21/07/1987) ;
Uniquement Dieu est à la base fondamentale de toutes les valeurs, de tout ce qui est bon, noble et vrai. […] Sans référence à Dieu, le monde des valeurs reste vide. Sans référence à lui, le monde même reste une question sans réponse » (05/05/1989) ;
Dieu seul est le fondement sûr de toute morale destinée à élever la condition humaine, seule sa Sagesse peut être mesure et guide d’une vie plus digne de l’homme (25/06/1989) ;
Aussi importants, en effet, que soient les problèmes économiques, l’homme ne vit pas seulement de pain: il a besoin d’une vie spirituelle. C’est elle qui donne sens au développement, orienté vers le bien de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes (28/01/1990) ;
Les valeurs spirituelles, morales et humaines […] sont la colonne vertébrale de tout être et de toute vie (07/05/2001);
Sans Dieu, vous ne pourrez faire rien de bon […] La vraie civilisation, en effet, ne se mesure pas seulement par le progrès économique, mais principalement par le développement humain, moral et spirituel d’un peuple (26/06/2001).

Et commentant la réponse du Christ au jeune homme riche, Jean-Paul II écrit encore dans sa Lettre Apostolique Dilecti Amici :
Le Christ répond à son jeune interlocuteur dans l’Évangile. Il lui dit: « Nul n’est bon que Dieu seul ». Nous avons déjà entendu ce que l’autre lui avait demandé: « Bon Maître, que dois-je faire pour avoir la vie éternelle? ». Comment agir pour que ma vie ait un sens, tout son sens et toute sa valeur? Nous pourrions traduire sa question dans le langage de notre époque. Dans ce contexte, la réponse du Christ veut dire: seul Dieu est le fondement ultime de toutes les valeurs; Lui seul donne son sens décisif à notre existence humaine. Dieu seul est bon, ce qui signifie qu’en lui, et en lui seul, toutes les valeurs ont leur source première et leur accomplissement dernier: il est « l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin » (Ap 21,6). En lui seul les valeurs trouvent leur authenticité et leur confirmation décisive. Sans lui – sans la référence à Dieu –, tout le monde des valeurs créées reste comme en suspens dans un vide absolu (31/03/1985).

C’est dire que la société à laquelle les jeunes aspirent ne peut avoir d’autre fondement que Dieu pleinement révélé en Jésus-Christ. En effet, s’il est vrai que le monde nouveau, l’Afrique nouvelle, le Bénin nouveau dont nous rêvons n’adviendront que par des hommes nouveaux, il est tout aussi vrai que l’homme ne peut se renouveler qu’au contact de l’Homme Nouveau par excellence, « celui qui veut changer le monde en changeant l’homme par le dedans: le Christ ». Faut-il rappeler ici que c’est le christianisme qui a construit l’Europe, même si ce fait historique est idéologiquement nié par le refus de la reconnaissance des racines chrétiennes du vieux continent dans la Constitution Européenne ! Aussi un des grands poètes polonais Adam Mickiewicz affirmait-t-il : « la civilisation vraiment digne de l’homme doit être chrétienne ». Jean-Paul II, pour sa part, disait aux jeunes à diverses occasions: « Adhérer au Christ ne signifie pas suffoquer les vertus humaines authentiques, mais plutôt les purifier et les exalter. Plus vous serez chrétiens, d’autant plus vous serez authentiquement humains » (05/05/1996) ; ou encore : « C’est avec la sainteté qu’on change le monde » (09/04/2001) ; et enfin : « Si l’homme… marche avec Dieu, il est capable de changer le monde. Je le répète à vous aujourd’hui : pour améliorer le monde, efforcez-vous surtout de vous changer vous-mêmes à travers le recours au sacrement de la Pénitence et l’intime identification avec Jésus dans l’Eucharistie » (05/04/2004).
Ainsi donc, quelles que soient les performances que le développement personnel (l’autoréalisation) – tant promu aujourd’hui par les sciences de l’éducation et dans le monde des affaires et de l’entreprenariat – peut permettre d’atteindre, il reste cependant limité. Il y a des choses auxquelles seule la foi peut faire accéder. De fait, comme le faisait remarquer à juste titre le même Pape Jean-Paul II, « on ne parvient pas à la vérité de l’homme seulement avec les moyens qu’offre la science dans ses diverses disciplines ». La vérité de l’homme se comprend aussi et surtout à partir d’un autre lieu qu’il a indiqué dans sa toute première Encyclique et qu’il rappelait encore dans son homélie au cours de la Messe célébrée le 11 mai 1980 avec les jeunes étudiants à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire):
Je me permets de vous demander amicalement: avez-vous eu connaissance de la lettre que j’ai écrite l’an dernier à tous les chrétiens sur le Christ rédempteur? (…) J’écrivais dans cette lettre: “L’homme qui veut se comprendre lui-même jusqu’au fond ne doit pas se contenter pour son être propre de critères et de mesures qui seraient immédiats, partiaux, souvent superficiels et même seulement apparents; mais il doit, avec ses inquiétudes, ses incertitudes et même avec sa faiblesse et son péché, avec sa vie et sa mort, s’approcher du Christ. Il doit pour ainsi dire, entrer dans le Christ avec tout son être, il doit « s’approprier » et assimiler toute la réalité de l’Incarnation et de la Rédemption pour se retrouver soi-même” (cf. RH 10).

L’École Jeunesse Bonheur se veut précisément la concrétisation du primat du spirituel indéfiniment affirmé au long de ces lignes. En tant qu’École de prière et d’évangélisation et comme telle, École de vie, Jeunesse Bonheur voudrait aider les jeunes à « s’approcher du Christ » par une solide expérience spirituelle pour permettre à nos pays de sortir de leurs ornières pour s’engager résolument sur la voie du véritable développement que le Pape Paul VI, dans son encyclique Populorum Progressio, définissait comme un « développement de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes ».
Si au regard de ce qui a été dit, une École de prière et d’évangélisation pour les jeunes apparaît non seulement opportune mais aussi nécessaire, il convient de s’interroger sur sa faisabilité, surtout dans le contexte africain, béninois.